Pour ceux que les fables intéressent, j’en connais une, autour d’un animal dont La Fontaine n’a guère usé.
Il y a quelques années, les ingénieurs des Ponts et Chaussées furent chargés de tracer une route qui, de la vallée, montait jusqu’à une nouvelle station de sports d’hiver, à 2000 m, à laquelle on avait donné le nom de son altitude. L’ordinateur avait longtemps étudié la question et déterminé le tracé. C’était une route superbe, s’élevant par larges lacets et que, régulièrement, chaque hiver, coupèrent les avalanches. Lassés d’être isolés, les hôteliers réclamèrent. Les ingénieurs revinrent pour tenter de réparer leurs erreurs.
Angoissés, transpirant malgré le froid, ils refirent les calculs, tenant compte de la fréquence des avalanches, des pourcentages de pente, du relevé des virages, etc…Un jour, un paysan du coin suggéra en passant : « Essayez les mules. »
– Quelles mules ? rétorquèrent les ingénieurs (qui détestent par principe qu’on se mêle de leurs affaires).
– Les mules, rétorqua le paysan. Vous faites monter les mules et vous suivez ; là où elles passent, vous tracez la route. Vous aurez toujours le plus court chemin avec la plus faible pente, et, de plus, en dehors des couloirs d’avalanche !
Un des ingénieurs osa parler de l’ordinateur.
– L’ordinateur, c’est pas lui qui monte, répliqua le paysan. Tandis que les mules !…
Les ingénieurs suivirent les mules, et tout le monde s’accorde aujourd’hui à reconnaître que la route d’accès à la station est des plus souples, des plus esthétiques et des plus sûres. Les ingénieurs furent félicités. Les mules, elles, rigolent. (Mais, tout le monde sait qu’un rire de mule est très discret.)
Jean AMADOU (Il était une mauvaise foi…)
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