La légende de Sidi Hmad Ou Moussa, une chanson du XIème siècle

Il était une fois un vieux couple heureux

Au nom du Dieu clément, ayant dit et redit

Je vais te raconter récit de ce qu’a fait un être sur la terre

Ce n’était pas du tout un homme de prière,

Un homme de mosquée ou bien de zaouia

Que Sidi Ahmed ou Moussa.

Ce n’était rien qu’un acrobate avec sa troupe

A tout mariage apportant son tambourin

Et portant son fusil à pierre à toute visite en commun.

En quelque endroit qu’il se trouvât

Passant le jour, passant la nuit.

Dieu, le jour qu’il voulut lui donner sa faveur,

Lui fit rencontrer la vieille appuyée sur un bâton.

Quand la troupe des garçons passa près d’elle, elle dit :

« Mon refuge en votre appui, ô mes fils,

Pour me porter jusqu’au col la corbeille que voici. »

Tous ont du mépris pour elle

Et nul ne veut seulement

De la corbeille approcher son vêtement.

Puis c’est Ahmed ou Moussa qu’elle appelle:

Il lui répond: Me voici

Celui qui se fie en Dieu peut y mettre espoir aussi.

Voilà le Pôle auprès d’elle: « O mon fils,

Mon refuge en ton appui,

Pour me porter jusqu’au col la corbeille que voici. »

« Bismillah ». Et de sa main, rejetant le tambourin

Roule un turban sur sa tête et enlève la corbeille.

Sur son visage ont coulé toutes les larmes des figues.

Et la corbeille est montée au sommet du col.

« O mon frère, a-t-elle dit, ton bonheur est garanti ».

Il lève les yeux en l’air, tout le ciel est éclairé

Et ceux qui sont près de lui.

Sidi Ahmed ou Moussa la malédiction

Lance-la sur le méchant qui m’a fait du mal

Qu’il soit Amghar ou Caïd ou homme de rien.

Ce récit n’est pas autre chose que le développement un peu romancé de quelques lignes du « Faouaid ». Mais il est intéressant de comparer ce dernier texte qui date de 1045 avec celui recueilli en 1335 et d’assister en quelque sorte à la cristallisation de la légende.

Comme Sidi Ahmed ou Moussa est devenu le patron des acrobates, la chanson fait de lui un jeune garçon, dans une troupe d’acrobates errants.

Cela donne au poète l’occasion de décrire en deux vers la coutume des visites en groupes, à l’occasion d’un mariage, d’une naissance, d’un retour de voyage ou de quelque événement heureux. On y va en armes, autant à cause des périls de la route que pour faire honneur à ses hôtes. C’est une occasion de réjouissances, d’ahouach et de jeu de la poudre.

Le vieillard à la corbeille dont l’histoire a gardé le nom est devenu une vieille femme, la vieille, jeteuse de maléfices, méprisée par les garçons, et qui devient la source de la gloire et de l’illumination pour qui lui a montré un peu de charité.

Comme on parle à des montagnards, il y a un col à passer. Et pour rendre un peu plus méritoire le bon mouvement du jeune homme, il a la joue barbouillée par le jus des figues.

Le poète dit bien plus joliment:

« Sur son visage ont coulé les larmes des figues. »

Après qu’il eut reçu la faveur de Dieu, Sidi Ahmed ou Moussa voulut renoncer au monde. Il fut enlevé au ciel et il était parmi les créatures qui traînent l’attelage du soleil. Or un jour, à la veille de l’Aid el Kbir, il y avait un pauvre homme qui venait d’un marché lointain et qui se luttait pour apporter avant la nuit la nourriture à ses enfants. Il demandait à Dieu d’arriver à sa maison avant le coucher du soleil. Alors Dieu ordonna à ceux qui traînent le soleil de ralentir leur course pour permettre au pauvre homme d’arriver. « Il y a plus de mérites à gagner sur la terre que dans le ciel », dit Sidi Ahmed ou Moussa; « Je veux retourner sur la terre, avoir des enfants et travailler pour les nourrir ».

On dit qu’il eut huit enfants, dont quatre d’une femme et quatre d’une djennia (dont les A. Tsouirout de Taddert, dchar des I. ou Baqil entre Tiznit et Ouijjane, cette famille de marabouts anéantie par des meurtres successifs). Un peu avant .sa mort il les fit se rencontrer et échanger le « taslim », la promesse de ne pas se faire de mal les uns aux autres. 

                            (pp : 15 à 18)

               ARCHIVES MAROCAINES, VOLUME  XXIX

            Notes sur l’histoire du Sous au XVIe siècle.

I. Sidi Ahmed ou Moussa.

II. Carnet d’un lieutenant d’El Mansour.

Par le Lieutenant-colonel  JUSTINARD.

PARIS – HONORÉ CHAMPION, ÉDITEUR – 5, QUAI MALA QUAIS, 5 – 1933

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