Définitions de « fantastique » (étymologie)

Le Chevalier double

Merci à Mr Motaabid, inspecteur de français, d’avoir partagé ce QUE SAIS-JE ? d’où j’ai tiré les informations suivantes.

QUE SAIS-JE ?
La littérature fantastique
JEAN-LUC STEINMETZ

PREMIÈRE PARTIE
Chapitre 1 : LE SENS 
I. Étymologies
1/ Il (le terme Fantastique) remonte vraisemblablement, via un adjectif latin, fantasticum, au verbe grec phantasein : « faire voir en apparence », « donner l’illusion », mais aussi « se montrer », « apparaître », lorsqu’il s’agit de phénomènes extraordinaires. La phantasia est une apparition, tout comme le phantasma, qui désigne aussi un spectre, un fantôme (on trouve ce dernier emploi dans Eschyle et Euripide). L’adjectif phantastikon (« qui concerne l’imagination ») a pu donner lieu au substantif phantastiké (sous-entendu : techné) : « la faculté d’imaginer des choses vaines » (Aristote).
L’adjectif « fantastique » est utilisé au Moyen Âge. L’un de ses plus vieux emplois, signalé par le Godefroy (Dictionnaire de l’ancienne langue française), donne le sens de « possédé » : « Duquel [couteau] il se tua de ses propres mains par grand courroux et ire et comme fantastique et démoniacle. » La proximité du mot « démoniacle » est ici remarquable. Un autre adjectif, fantasieus, signifie « insensé, trompeur ».
Fantaisie, dans le français classique, désigne jusqu’au 19ème siècle l’imagination ; et c’est encore ainsi qu’il faut entendre le titre d’un célèbre poème de Nerval : « Il est un air pour qui je donnerais… »
Le Dictionnaire de l’Académie de 1831 donne à fantastique le sens de « chimérique » et ajoute : « Il signifie aussi, qui n’a que l’apparence d’un être corporel, sans réalité. »
L’acception qui nous intéresse apparaît dans le Littré (1863) qui, tout en continuant d’indiquer : « 1 / qui n’existe que par l’imagination; 2 / qui n’a que l’apparence d’un être corporel », précise, dans cette seconde entrée : « Contes fantastiques : se dit en général des contes de fées, des contes de revenants et, en particulier, d’un genre de contes mis en vogue par l’Allemand Hoffmann, où le surnaturel joue un grand rôle » – définition que reprendra le Dictionnaire de l’Académie de 1878 et que l’on trouve encore dans le Trésor de la langue française (t. VIII, 1980). C’est aussi vers cette époque (première moitié du 19ème siècle) que le mot apparaît comme substantif pour nommer une certaine catégorie d’expression littéraire, c’est-à-dire un genre (même si aucune théorie des genres n’inclut le fantastique).
Tout ce matériel lexicologique traduit un phénomène complexe. Il semble bien qu’il enregistre d’abord une façon d’être qui a trait à l’imagination et plutôt à l’excès de cette faculté. Le fantastique s’oppose à la logique. En ce sens, et eu égard à la raison, il peut être mis au compte des chimères, des illusions, voire de la folie. L’étymologie du mot attire l’attention sur un phénomène visuel, une illusion d’optique. Dans le fantastique quelque chose apparaît. Fantôme, fantasme impliquent la même infraction du réel, avec l’idée nettement affichée que tout cela pourrait ne résulter que d’une imagination déréglée, d’un esprit perturbé.
[…]
L’enquête lexicale fait ainsi aboutir à une double conclusion. D’une part, la vie met en présence d’un certain fantastique – et c’est ce que Freud nommera l’ « inquiétante familiarité ». D’autre part, un type de création littéraire s’est formé, inspiré par cette sensation ou voulant la susciter.
Certes, puisque nous parlons avant tout de littérature, il nous est souvent impossible de savoir si l’écrivain (quoi qu’il dise) transcrit une expérience ou la construit. Force nous est de constater l’effet produit.
 
2/ Rappelons enfin que d’autres civilisations, comme l’Islam ou l’Empire du Japon, n’ont enregistré que tardivement le mot et seulement pour transcrire une réalité occidentale.
L’Islam, qui traduit « contes fantastiques » par l’expression hikayat khurafìyya (hurafiyya vient de khurafa, soit « légende » ou « superstition » dans un sens péjoratif), est beaucoup plus sensible à la catégorie du merveilleux (Ajib) si répandue dans les Mille et une nuits et que nous tenterons plus loin de mieux déterminer.
Le Japon utilise depuis la fin de l’ère du Meiji (1868-1910) le mot genso pour traduire fantasy et ses équivalents occidentaux. Cet idéogramme se décompose en gen : le fantôme, et so : le contenu d’un texte. Genso veut donc dire, ni plus ni moins : « histoire de revenants ».
La tradition extrêmeorientale, contrairement à celle de l’Islam, contient d’ailleurs de nombreuses histoires de cet ordre. On les trouve dans la Chine du 3ème siècle (zi gaî) : elles proliféreront et, à partir du 18ème siècle, les Japonais les transposeront dans leur langue et sauront leur donner une coloration très originale. De cette époque datent les admirables Contes de la lune et de la pluie d’Akinari (1768).
Partagez l'article :

Copyrights © 2024 tantancours

Développé avec par ABOUHILAL BADR